29 septembre 2017
La prise de pouvoir des caméras de surveillance à Abidjan
Depuis un certain temps, partout dans la ville d’Abidjan, on peut aisément observer d’étranges « œils » suspendus à des hauteurs. Intrusifs, ils scrutent, scannent, dissuadent et donnent l’alerte un peu comme le fétiche voyeur de Karaba la sorcière dans le film animé « Kirikou ». Vous l’aurez deviné, il s’agit des caméras de surveillance qui pullulent les rues et autres points chauds d’Abidjan.
Dis bonjour à la caméra…
Un matin, comme dirait une amie à moi, « pouuuuh » elles sont là ! Qui les a placées ? Pour quoi faire ? Pour quelle durée sont-elles là ? Qu’est-ce qu’elles regardent ? La circulation, le citoyen, le gangster, le combattant supposé, le djihadiste en mission ou l’opposant qui se déplace ? Aucune information, elles sont juste là. Si tu ne veux pas, « saute et cale en l’air ». Et pourtant, tous, nous sommes concernés par la pose de ces élégants engins qui donnent un aspect i tech à notre belle cité.
Il faut le reconnaître, la vidéosurveillance est théoriquement un atout de poids dans la lutte contre l’insécurité. Cependant, dans un contexte de démocratie à l’Africaine, elle peut également constituer une entrave aux libertés des citoyens. Ainsi, comme le fait si bien remarquer la Ligue des droits de l’Homme, la vidéosurveillance va à l’encontre de plusieurs libertés fondamentales.
Et le risque d’atteinte aux droits et libertés des citoyens…
Pour exemple, selon ladite Ligue, les caméras de surveillance délimitent des zones dans lesquelles certains citoyens pourraient se sentir espionnés. Ce qui restreint ainsi leur liberté de déplacement. Comme pour la liberté de circulation, la présence de caméras dissuade les citoyens de s’exprimer. Elle porte ainsi atteinte à la liberté de manifestation, à la liberté d’opinion et de bien d’autres droits reconnus inaliénables.
A côté du débat juridique et purement spéculatif sur des engins déjà installés un peu partout dans Abidjan, ce qu’il faut déplorer, c’est qu’aucun débat public n’a été organisé (à notre connaissance) autour de la question. Ni nos élus parlementaires, ni même notre télévision nationale n’a osé poser le problème afin de donner la parole au citoyen sur la question.
Peut-être qu’il faut simplement comprendre le gouvernement. Avec un taux aussi élevé d’analphabètes, à quoi servirait un débat public sur la question ? Ce serait une perte de temps. Il faut toujours décider d’autorité pour le bien (supposé) du peuple. Car même dans 100 ans, avec les coûts élevés de scolarité et les frais de cotisation annexes, le taux d’analphabétisme sera toujours aussi élevé.
En définitive, vu l’emprisonnement de quarante (40) étudiants pour fait de manifestation et vu l’identification biométrique imposée pour presque tous les documents administratifs, espérons pour les autres que le gouvernement n’ait pas la bonne idée d’utiliser des drones de surveillance urbaine, de mettre en orbite un satellite comme le Ghana ou de marquer au laser le front et la main des citoyens afin de leur offrir totale sécurité.
NB: A terme, c’est environ 1000 caméras qui seront installées.
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