Aïcha, la Lara Croft noire : passion pour l’archéologie
Le sujet de l’archéologie que je m’apprête à aborder me trottait dans la tête depuis longtemps. Et à dire vrai, mon intérêt pour cette discipline n’est pas un fait anodin. Il part de ma rencontre avec une jeune demoiselle lors d’une illustre formation organisée par la fondation allemande Friedrich-Ebert-Stiftung.
Aïcha Touré, la Lara Croft Africaine
Avant de parler de mon héroïne du jour, faisons un constat. En Côte d’Ivoire, l’archéologie est une discipline très peu connue. Dans les choix de carrière, quasiment personne n’a à l’esprit d’en faire sa profession future. On préfère se tourner vers les métiers les plus en vue de la société. Et, dans les médias, on ne traite presque jamais du sujet de l’archéologie. Ce qui évidemment n’aide pas à susciter plus d’intérêt pour la discipline.
Moi aussi, j’ignorais que l’archéologie était enseignée dans mon pays et que des fouilles étaient régulièrement menées par des équipes ivoiriennes. Mais ça, c’était avant que je ne côtoie celle que j’ai nommé la Lara Croft Africaine.
Aïcha Touré, du haut de ses 1 mètre 69, me faisais penser à l’héroïne du jeu vidéo de mon enfance : Tomb Raider. Cela, autant pour sa silhouette athlétique et sa beauté africaine sempiternelle que pour son intelligence, sa détermination et sa passion pour l’archéologie. Un peu comme Lara Croft, elle parcourt le pays et l’Afrique subsaharienne en quête des précieuses reliques du passé. Car selon elle, « pour comprendre le présent et mieux appréhender l’avenir, il faut d’abord connaître le passé ».
Son accoutrement sur ses terrains de recherches est typique de l’archéologue des fictions : chapeau, chaussures fermée, gants et vêtements couleur sombre. Sa besace est, elle aussi, spéciale. Elle est remplie de petits outils de fouille: pinceaux, sécateurs, mètre, matériel de dessin, sachets zippés, etc.
Le 16 Avril 2018, devant ses pairs, Aïcha exposait le résultat de ses fouilles sur le thème de « L’art de la terre cuite à Korhogo/Côte d’Ivoire du XVIIIe siècle à nos jours ». Son brillant travail a été sanctionné du doctorat d’Etat. Elle est une fierté pour l’archéologie en Côte d’Ivoire.
L’archéologie, une discipline à pertinence sociale indéniable
La passion d’Aïcha interroge pour moi l’importance réelle de l’archéologie dans une société, surtout africaine. Souvent négligée et reléguée au second plan, l’archéologie permet de reconstituer l’origine, le développement et les activités de l’homme. Ainsi, par la découverte des traces d’un passé enfoui, elle permet d’éviter de répéter les erreurs d’antan.
Une autre utilité de l’archéologie, particulièrement intéressante pour l’Afrique, est qu’elle permet le rétablissement de la vérité historique. On le sait, de multiples idées fausses ont été injectées dans l’histoire contemporaine pour satisfaire des ambitions racistes et impérialistes. Au moyen donc de découvertes archéologiques et plus encore, l’on a pu ainsi faire taire les détracteurs d’une Afrique civilisée. Les travaux de Cheikh Anta Diop sur l’antériorité des civilisations nègres est un exemple éloquent.
Extraits de discours de Cheikh Anta Diop, un afrocentriste de la première heure.
Enfin, en passant, notons que les découvertes archéologiques peuvent avoir des retombées économiques importantes. Aujourd’hui, nul n’ignore que chaque site de découverte ou d’exposition archéologique devient systématiquement un lieu de pèlerinage pour touristes. Partant de ce fait, de multiples emplois peuvent se créer.
Les quelques raisons ainsi dressées démontrent toute la nécessité de protéger les découvertes et les sites archéologiques. Car, ils constituent une richesse culturelle pour l’humanité entière.
De la nécessité de protéger notre patrimoine culturel
Ces dernières années, plusieurs sites historiques ont été victimes de graves détériorations par des groupes armés. Il en est ainsi, du site de Palmyre en Syrie ou des mausolées à Tombouctou au Mali. Heureusement, d’ambitieux projets de restauration sont achevés ou en cours de réalisation, une fois les insurgés chassés.
Ces incidents doivent donc obliger à la prise de mesures strictes de protection. Au plan international, il faut arrêter et juger les hauts commanditaires des actes de destruction. A ce sujet, la condamnation par la CPI d’Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi est un signal fort et une initiative à rééditer. Il faut en outre, penser à définir un seuil critique autorisant de facto une intervention préventive de l’altération des sites historiques.
Au plan national, les Etats africains comme la Côte d’Ivoire devraient prendre des mesures spécifiques pour encourager les recherches archéologiques. Il faut penser à insérer des études archéologiques complémentaires à l’étude d’impact environnemental et social avant tout grands travaux. Egalement, il faut penser à la création de laboratoire archéologique pouvant servir de musée spécialisé. Il faut enfin prendre des lois spéciales protégeant les sites archéologiques et leurs découvertes. Ceci, sans toutefois oublier de promouvoir dans les médias les travaux scientifiques locaux.
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