Que vive le cinéma ambulant en Afrique !

Article : Que vive le cinéma ambulant en Afrique !
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27 août 2018

Que vive le cinéma ambulant en Afrique !

En Afrique, le cinéma ambulant a longtemps joué un important rôle de promotion du film noir, et pas seulement. Aujourd’hui, ce beau projet, en grande partie porté par les missionnaires religieux et l’Association Cinéma Numérique Ambulant, tend à disparaître. Au travers de mon souvenir d’enfance, je démontre toute la nécessité de continuer à faire vivre ce projet humaniste.

« La solution », une projection du cinéma ambulant

Des fois, des détails de mon jeune passé refont surface de manière assez curieuse. Cette fois, a surgi de nulle part le souvenir heureux d’un film de mon enfance. Il s’agit du film d’évangélisation intitulé « La Solution ». Je précise, il n’a carrément rien à voir avec le prétentieux slogan de campagne d’un personnage politique ivoirien.

Ce film, tous les gamins des années 2000 de mon quartier d’alors de Bouaké – ville de Côte d’Ivoire – le connaissent très bien. La nuit tombée, dans l’une des nombreuses ruelles sombres du quartier, il avait été projeté sur un vulgaire tissu blanc.

Mon esprit d’enfant avait été marqué par deux choses. D’abord, l’excellent jeu de rôle d’un personnage du film appelé « Nato ». Pourquoi ? Prenant très au sérieux son rôle de féticheur-épouvantail, « Nato » avait contribué à me donner un esprit fertile et alerte à chaque fois que je devais m’engager dans une pénombre. Lol, pauvre enfant que j’étais !

La seconde chose est que j’avais été admiratif de ces gens qui assemblaient le matériel de projection du cinéma ambulant. J’avais été marqué par le fait qu’ils offraient, à ciel ouvert, un spectacle cinématographique entièrement gratuit. Un rare spectacle qui avait permis à de nombreux autres enfants et leurs parents de bénéficier, le temps d’une soirée, d’une des grâces de la télé. Car pour ne rien manquer de l’événement annoncé, plusieurs habitants des villages périphériques non électrifiés avaient spécialement fait le déplacement.

Que d’émotions et de spiritualités partagées ce soir-là !

Quel est le sort du cinéma ambulant aujourd’hui ?

A l’heure de ces souvenirs qui m’ont arraché de fous sourires, j’ai eu l’envie de revisiter la production. Quelques clics vite fait sur Youtube m’ont permis de savourer le nectar cinématographique de mon enfance.

La solution, un film de production ivoirienne. Ici traduit pour les besoins du public Haïtien

Au fil des séquences du film, mon esprit d’antan, seulement vieilli de quelques années, ne pouvait s’empêcher de s’interroger. Qu’est devenu le cinéma ambulant diffuseur de belles émotions ? Pourquoi ce film m’avait-il autant marqué ? Pourquoi bon nombre des récentes productions n’ont pas le même effet de séduction sur moi ?  Autant de questions auxquelles je crois maintenant avoir un soupçon de réponse.

Premièrement, le développement du numérique et la facilité d’accès aux contenus vidéos fait croire en l’inutilité du cinéma ambulant. Mais en réalité, c’est à tort que cette pensée se développe et empêche ce genre d’initiatives. Parlant de l’Afrique, malgré l’essor du digital, il ne faut pas oublier que le continent reste encore sous éclairé. Environ 640 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité, à fortiori aux grâces des productions cinématographiques. Ainsi, il faut reconnaître que le cinéma ambulant a toute sa place. Car il est aussi un outil de promotion des films locaux, notamment africains. Et, même si toute l’Afrique venait à être électrifiée, rien ne remplace ces moments collectifs de partage d’émotions, en dehors des salles payantes de cinéma.

Deuxièmement, si cette expérience de cinéma ambulant m’avait autant marqué, c’est sûrement à cause de l’excellente qualité du film projeté. Bien qu’aujourd’hui vieux de plusieurs décennies, le film de mon enfance est comme intemporel. Il n’a rien perdu de son charme, de son actualité et de sa profondeur en instruction. Richesse proverbiale, mise en avant de la culture, discours structuré et bien articulé des acteurs démontrent clairement le sérieux et le professionnalisme de l’équipe de réalisation. Un exemple à copier pour les jeunes générations africaines de réalisateurs. La plupart des récentes productions, certes belles visuellement, manquent cruellement de scénarios cohérents.

Clin d’œil au cinéma ivoirien

Ce souvenir des pages de mon enfance me permet de rendre hommage à de belles productions cinématographiques de Côte d’Ivoire. De mon avis, elles sont comme le bon vin qui se bonifie avec le temps. Cela me permet d’évoquer l’année 1968, considérée par beaucoup comme l’année de naissance du cinéma ivoirien. Cette année-là a vu le jour « Sur la Dune de la Solitude », un film écrit et réalisé par Timité Bassori, jeune ivoirien à l’époque.

Depuis lors, de fabuleuses productions rythment et influencent encore aujourd’hui le quotidien de plusieurs milliers d’ivoiriens. Qui ne se rappelle pas du film série dénommé « SIDA dans la cité » ? Un film de sensibilisation sur la maladie de l’immunodéficience. Qui d’autre n’a pas le souvenir du film « Bal poussière, 1989 », « Au nom du Christ, 1993 », « Le sixième doigt, 1990 », « Run, 2014 », « Caramel, 2005 », « Adanggaman, 2000 », « Roues libres, 2002 », « Bronx Barbès, 2000 »,  et j’en passe. Personne ! Ils sont comme faisant partir de l’identité même de l’ivoirien, tant leur renommée demeure grande.

En somme, retenons que le cinéma ambulant doit continuer d’apporter sa pierre à la promotion cultuelle, surtout en Afrique. Quand l’on sait toute l’influence que le cinéma a sur les masses, il faut encourager ce genre d’initiatives et la diffusion de films africains. Car, mine de rien, la production cinématographique est le fruit de la conception spirituelle et philosophique d’un peuple, d’un continent. Sinon quoi, nous peuples africains, très ouverts au monde (ce qui n’est pas mauvais en soi), risquons l’acculturation totale.

Tout ce que je souhaite au travers de ce billet, c’est que brille davantage le cinéma africain ! Et que vive le cinéma ambulant ! Avec peut-être un meilleur modèle de diffusion, qui contribue à la rémunération des ayants droits des films. Comme le fait si bien l’Association Cinéma Numérique Ambulant (CNA).

Trêve de bavardage, merci de m’avoir écouté ! J’ai bien fait mon cinéma !

« Le cinéma n’est pas un spectacle, c’est une écriture. » Robert Bresson

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Commentaires

Mawulolo
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Nous, on payait 25 ou 50 francs pour aller au vidéo club...

Ruben BONI
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Oui, le vidéo club de mon village, je connaissais presque toutes les programmations... Mais le cinéma ambulant, c'est vraiment toute autre chose. Merci, je pense que je devrais écrire un billet sur le vidéo club de mon enfance. Je suis nostalgique ses temps ci ! Mdrrr