Ruben BONI

Le défi en eau potable à Bouaké, un casse-tête chinois ?

A en croire les nombreux titres peu élogieux de l’actualité sur Bouaké, on pourrait se laisser convaincre que la ville est damnée. Rébellion armée, mutineries, grèves sauvages, incivisme et aujourd’hui pénurie d’eau paraissent confirmer cette folle idée. Mais à la réalité, il n’en est rien.

La ville mythique du centre de la Côte d’Ivoire est seulement victime des erreurs et de la négligence humaine. La pénurie d’eau potable actuelle n’est en rien un phénomène des dieux. Le fait que les populations soient obligées de se tourner vers les marigots aux abords de la ville, avec tous les risques de crise sanitaire, a des raisons humaines bien simples.

Les causes de la pénurie en eau

L’origine du problème rapidement brandie par les autorités est sans surprise l’assèchement du lac du barrage hydraulique de la Loka. En effet, le lac qui fournissait 70% de l’eau de Bouaké a aujourd’hui carrément disparu. La faute, dit-on dans les hautes sphères de l’Etat, au changement climatique qu’on personnifie. Cependant, ce qu’on prend le soin d’éviter de confesser, c’est la faillite de l’Etat à mener une politique efficace de gestion de ses ressources naturelles.

On le sait, les forêts aident à reconstituer les nappes phréatiques et les cours d’eau si cruciaux pour l’eau potable. Mais en Côte d’Ivoire, la négligence des gouvernements successifs a entraîné la disparition de plus de 80% des forêts. Les conséquences sur l’environnement ne pouvaient qu’être trop prévisibles. Le cas de l’assèchement du lac de la Loka ne devrait donc pas surprendre. Ce n’est qu’un retour de bâton des actions de l’homme.

A côté de cela, notons comme autre source du problème le détournement des eaux du lac pour le bénéfice d’activités anarchiques. En effet, aux abords du lac, s’est développée au vu et au su des autorités l’exploitation de carrières de sable et de gravier.

Aussi, il est à relever que le barrage de Loka construit en 1964 pour une population d’alors de près de 65 000 habitants a été surexploité. En plus de 50 ans, la population de Bouaké a explosé et est aujourd’hui estimée à plus de 542.000 habitants. Il s’est ainsi progressivement avéré difficile d’assurer la consommation annuelle de 10 millions de m3 d’eau de la ville.

Les réflexions pour sortir de la crise de l’eau

Face à la difficile situation que vivent les résidents de la zone de Bouaké, des actions sont entreprises mais d’autres restent à mener. Ainsi, pour pallier le problème, le gouvernement ivoirien a réquisitionné plusieurs citernes d’eau pour desservir les populations en situation d’urgence humanitaire. Une telle mesure est à saluer. Cependant, elle est provisoire et ne pourra soulager qu’une petite minorité d’individus.

C’est pourquoi, dans les perspectives à moyen et long terme, bien d’autres mesures sont en cours de réalisation. L’une des plus en vue du moment est la construction de plusieurs forages hydrauliques modernes dans la ville. C’est en effet une solution qui s’inscrit davantage dans la durée. Mais il faut le dire, elle n’est pas sans risque.

Selon l’avis de certains spécialistes de l’eau, notamment Mathieu Guérin, expert international sur la question de l’eau et président de l’ONG Urgence eau, la création de nombreux forages est à éviter car un nombre accru de ces forages serait destructeur de la nappe phréatique déjà difficile à renouveler.

En attendant, la solution la mieux partagée reste le ralliement hydraulique de Bouaké au fleuve Bandama. En effet, couvrant une superficie de près de 97 500 km2 et s’étendant du nord au sud du pays, le Bandama offre une solution durable au problème.

Toutefois, des recommandations sont à faire. L’Etat ivoirien devrait mettre au centre de sa politique la préservation de ses ressources biologiques. Car, quand la biodiversité est mise en péril, l’existence humaine se trouve par ricochet menacée. Aussi, les populations, ivoiriennes en particulier, devraient davantage s’engager en faveur des questions écologiques. Par exemple, dans la gestion domestique de l’eau, nous devons tous faire preuve de plus de responsabilités. Suivant des gestes simples, notre planète se portera mieux, et l’humanité aussi.

L’accès à l’eau potable, un droit humain                  

Au terme de notre exposé, nous ne saurions terminer sans évoquer cette avancée majeure dans les droits humains. Depuis juillet 2010, l’Assemblée générale de l’ONU a officiellement reconnu comme un droit humain l’accès à une eau de qualité et à des installations sanitaires. Ceci parce que l’accès à une eau saine fait partie intégrante du droit à un niveau de vie suffisant. Et, il est étroitement lié à la dignité humaine.

La minute éco-citoyenne – Eau de Est Ensemble


« La peine de mort, ce n’est pas de la justice. C’est de la vengeance ! »

Avec le soutien de nombreuses organisations nationales et internationales, s’est tenu les 9 et 10 avril 2018, à Abidjan le Congrès régional africain contre la peine de mort. C’était une occasion de plus pour l’association Ensemble contre la peine de mort (ECPM) d’inviter les 55 Etats restant à poser des actions concrètes pour une abolition totale de la condamnation à mort dans le monde.

À cet événement, j’avoue que j’y participais sans trouver un réel intérêt pour mon pays la Côte d’Ivoire. En effet, depuis son accession à l’indépendance en 1960, aucune condamnation à la peine capitale n’a été prononcée. Et mieux, ses deux dernières Constitutions ont sorti de l’ordonnancement juridique le recours à la peine de mort.

Mais au fur et à mesure du déroulé de l’activité, mon point de vue a évolué. Les divers récits d’ex-condamnés à mort et les arguments contre la peine capitale m’ont aidé à saisir tout l’enjeu.

‘’Peine de mort, pleine de tort‘’ : récits…

  • Dans les années 1980, une Chinoise a été cruellement assassinée. Son corps démembré sera retrouvé dans une rivière. Selon des enquêteurs, il s’agirait de Shi Xiaorong déclarée disparue à la même époque. Pour la police, le meurtre est l’œuvre d’un professionnel de la découpe. Teng Xingshan, boucher de profession est alors arrêté et présenté comme l’assassin. Il aurait « confessé son crime de sa propre initiative et ses aveux étaient conformes à l’enquête scientifique et à l’identification ». En 1989, Teng est exécuté d’une balle dans la tête. En 2005, Shi Xiaorong, donnée pour morte, réapparaît vivante dans une autre région de la Chine. La justice chinoise est alors contrainte de disculper à titre posthume Teng. ( Lire The Telegraph )

  • Suzan Kigula, à 20 ans, était une jeune mariée et mère d’un enfant. À sa fille, comme tout parent, elle rêvait offrir tout le lait et le miel du monde. Mais une nuit qu’on dirait ordinaire, sa vie prit une tournure pathétique. Son domicile conjugal fut cambriolé. Elle fut violentée et son époux égorgé vif. Malgré les blessures qu’elle affichait sur le corps, personne ne voulut croire son témoignage. On lui attribua la responsabilité du crime. Suzan fut livrée à l’enfer par beaucoup. Et la justice de son pays la condamna à mort. (Lire l’entretien de Suzan)

La peine de mort, une bêtise humaine…

La question suscite beaucoup d’intérêt, et malheureusement, il existe encore des gouvernants et des individus pour défendre son application. En fait, les arguments avancés par ces derniers sont simplistes, comme le rapporte revoltes.org.

On montre la peine de mort comme le moyen le plus efficace pour « rendre justice ». Il est présenté comme l’expression de la réprobation des populations pour des faits tels que les crimes de sang, le terrorisme, la pédophilie, le viol, l’homosexualité, l’incitation à la guerre, les coups d’Etat, le trafic de drogue, le piratage, l’avortement, l’adultère, le blasphème, l’apostasie, etc. On y voit de la dissuasion à la commission de crimes graves et la prévention au retour des dangereux criminels dans la société. Pour ceux-ci donc, les personnes qui commettent ces crimes qualifiés de graves ne méritent pas de vivre.

Mais à l’opposé de ces sombres arguments, il y a d’innombrables raisons d’abolir la peine de mort. D’emblée, il faut relever que la peine de mort viole le droit à la vie. Ce droit est fondamental, sacré et inviolable selon l’article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. La peine de mort est cruelle, inhumaine et dégradante autant pour le condamné que pour ses proches.

De plus, la peine de mort tue des innocents. L’exemple prouvé de Teng et de plusieurs autres suffit à justifier cet argument. Et il ne faut pas se le cacher, sous couvert de vindicte populaire, la peine de mort sert souvent à éliminer des adversaires politiques. Ou à servir de pression politique contre un autre Etat.

Clairement, la peine de mort n’est pas dissuasive et ne rend pas la société plus sûre. Bien au contraire, elle duplique la violence qu’on prétend combattre. Dans l’Etat américain du Texas, le taux de criminalité a augmenté de 400 % depuis la réinstallation de la peine de mort en 1976, selon l’association ECPM.

Aussi, la commission d’une infraction grave n’empêche en rien la réussite de la réinsertion sociale. C’est pourquoi, il faut s’engager contre la peine de mort sous toutes ces formes.

Les exécutions sommaires, une forme d’application de la peine de mort ?

Durant le déroulé de l’activité, je ne m’arrêtais plus de penser aux faits banals de l’actualité ivoirienne. Un certain Zama, chef supposé d’un groupe de microbes, exécuté sous les jets de pierres de badauds. Un gendarme malencontreusement lynché par une population en colère. Un jeune homme à terre désarmé et abattu à bout portant par un policier. On pourrait à juste titre y voir de l’incivisme des populations ou des bavures policières. Mais, la récurrence et la banalité des faits m’imposent à y voir de fait une application de la peine de mort.

Et des questions me restent. A-t-on tous conscience qu’une vie humaine est sacrée ? Si la peine de mort est détestable, cela ne l’est-il pas en raison du fait qu’elle ôte la vie humaine ? Pour ma part, je suis contre la peine de mort. Je suis contre le fait d’arracher une vie humaine quelles qu’en soient les raisons. Car comme le dit si bien Paul Angaman, président de la FIACAT, « La peine de mort, ce n’est pas de la justice. C’est plutôt de la vengeance. ».

En réfléchissant à ma journée, j’ai finalement compris que le terrible acte d’ôter la vie doit nous obliger à regarder au-delà de notre seul nombril. Car la peine de mort ne fait pas que du tort au condamné et ses proches. Elle fait du tort à toute l’humanité en ce qu’elle promeut l’inhumanité.

Concernant la Côte d’Ivoire, d’autres efforts sont à faire. Elle doit notamment tout mettre en oeuvre pour la ratification du Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Pour la petite histoire, l’Ougandaise Susan Kigula, après plus de 15 ans passés à attendre une exécution, a bénéficié d’un réexamen de peine. Elle est aujourd’hui libre. Pendant sa détention, elle a décroché son diplôme de droit par correspondance et est à présent avocate au barreau de son pays. Elle partage aussi son expérience en slam aux jeunes filles détenues.

Voir pour comprendre #1 : La peine de mort, une production de Amnesty France.


Lutter pour les droits des femmes d’aujourd’hui et de demain, la responsabilité de tous !

Depuis longtemps, les femmes ont été discriminées. Mais aujourd’hui, le monde semble avoir réalisé son tort et tente d’équilibrer la balance. Cette situation, bien qu’à encourager, fait malheureusement de petits jaloux.

28 novembre 2017, depuis l’Université de Ouagadougou, le Président français, Emmanuel Macron s’adresse à la jeunesse africaine. Sur le sujet de l’éducation, il  invite les ambassades françaises en Afrique à proposer des bourses d’études vers l’Hexagone en priorité aux filles.

Mais dans la salle, une clameur d’agacement se fait entendre. Macron rassure immédiatement. « N’ayez pas peur. Je n’ai pas dit qu’il n’y en aurait que pour les jeunes filles. J’entendais cette mâle réaction visant à protester … ».

Etre une fille c’est s’ouvrir les portes du paradis…

Dans l’Afrique même éduquée d’aujourd’hui, la perception masculine à l’égard des filles est bien triste. On s’imagine souvent qu’être une fille ouvre les portes du paradis. Et pour fustiger les initiatives en faveur de la gente féminine, des arguments peu honorables sont avancés.

Tout d’abord, on entend dire que les initiatives tendant à la promotion de la fille et de la femme foisonnent. Et qu’ainsi, presque tous les programmes de leadership leurs sont dédiés.

Dans les offres d’emploi, on relève nerveusement que la fameuse phrase « candidature féminine vivement encouragée » ne manque quasiment jamais. Pour les séminaires et autres, on s’indigne que leur soit assuré presque immédiatement un quota de places.

Ensuite, en plus de ces initiatives à rendre jaloux, les filles semblent effectivement mettre le monde sous leurs talons. Dans de nombreux domaines, les filles dament le pion aux garçons et elles excellent.

Pour exemple, en Côte d’ Ivoire, dans le domaine des TICs et bien plus, les filles ne sont que sur les plus hautes marches. Quelles que soient les générations, elles mènent la danse. Au pif, je peux citer Yehni Djidji, Edith Brou, Raïssa BANHORO, Orphelie ThalmasMaria de Jésus, Tchonté Silué, etc.

Ainsi, devant leur charme intellectuel qui les met en lumière, plusieurs garçons ont jalousement émis le vœu d’être une fille. Mais à la vérité, le traitement spécial accordé aux filles qui fait tant d’envieux n’est pas fortuit. Il vise à corriger une bien triste réalité.

… et pourtant, que d’enfers elles vivent

Les projets pour filles et les modèles de réussite féminine font presque oublier leur dure réalité. En effet, aujourd’hui encore, la situation de la gente féminine dans le monde reste exécrable. Ceci, bien qu’il y ait une prise de conscience mondiale sur le sujet.

Pour une énième fois, et au risque d’être long dans notre exposé, il s’avère important de rappeler quelques enfers que vivent les femmes. Cela en espérant que cesse définitivement l’égoïsme et la méchanceté gratuite de certains messieurs.

  • Les violences faites aux femmes

Le terme englobe l’ensemble des comportements violents, individuels et collectifs dirigés contre les femmes. Ces violences sont exercées dans tous les domaines de la vie : au travail, en couple, en famille, à l’école, dans la rue, dans les transports, etc. Elles prennent presque toutes les formes imaginables.

Pour donner une idée du problème, la Banque Mondiale révèle que « le viol et la violence conjugale représentent un risque plus grand pour les femmes entre 15 et 44 ans, que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. ».

Comme pour renchérir, Care France avance que : « Aujourd’hui encore : 1 femme sur 3 est victime de violences au cours de sa vie (coups, viol, abus), soit 1 milliard de femmes à travers le monde. 1 fille mineure est mariée de force toutes les 2 secondes, soit plus de 40 000 par jour. Plus d’1 pays sur 2 ne condamne pas le viol conjugal, soit 127 pays au total. Près de 5 000 femmes sont victimes de crimes d’honneur chaque année. 1,36 millions de filles et de femmes sont victimes d’exploitation sexuelle dans le monde. Plus de 125 millions de filles et de femmes vivent avec les séquelles de mutilations génitales. ».

  • Le difficile accès à l’éducation et à la santé

Dans le domaine de l’éducation, selon l’ONG ONE, on enregistre plus de « 130 millions de filles qui ne vont toujours pas à l’école aujourd’hui – pas parce qu’elles ne le veulent pas, mais parce qu’elles n’en ont pas la possibilité ! ». Et les raisons évoquées sont évidemment bêtes.

On évoque les traditions culturelles, la pauvreté, les violences à l’école et sur le chemin de l’école, les menstruations, les mariages précoces et forcés, les grossesses précoces, l’absence de certificat de naissance, les instabilités sociopolitiques, etc.

Dans le domaine de la santé, un pareil sombre tableau peu être dressé. « L’accès aux soins et à la santé fait partie des droits auxquels des millions de femmes sont privées dans le monde, notamment en ce qui concerne leur santé sexuelle et reproductive. ». Plan International

Selon l’OMS (2015), 830 femmes décèdent chaque jour de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement et 99% de ces décès surviennent dans un pays en développement.

  • Les discriminations et le sexisme au travail

On le sait tous, quand bien même une petite proportion de filles parvient à bénéficier de l’éducation, une fois devenue des adultes, l’accès et les conditions du travail sont encore sujets de problèmes pour elles.

Selon une étude de la Banque Mondiale, « dans un certain nombre de pays africains, les femmes ont presque deux fois plus de chances que les hommes de se retrouver dans le secteur informel, et environ deux fois moins de chances d’obtenir un emploi formel que ce soit dans le secteur public ou privé. Bien qu’élevé, l’écart salarial entre les hommes et les femmes varie grandement d’un pays à l’autre. ».

Quant au sexisme, pas besoin d’une enquête spécifique pour le constater. Avec un minimum d’attention, l’on peut aisément relever de nombreux comportements sexistes dans nos attitudes ou dans ceux des autres.

Nous devrions tous être des féministes*…

A ces trois points sus-évoquées, on pourrait ajouter de multiples autres points tels que le difficile accès à la terre, les droits successoraux des femmes bafouées, etc. et nous nous éterniserions à commenter les droits violés des femmes.

En  s’étalant ainsi dans les détails, l’objectif recherché est de faire prendre conscience d’un fait : les filles et les femmes méritent plutôt notre soutien. Car c’est envers et contre tout qu’elles parviennent à se faire une place de choix dans la société actuelle.

Et, pour une société plus juste pour tous, nous devons absolument soutenir et défendre les droits des femmes. Outre la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à notre sens, la raison est simple. Elle devrait s’appuyer sur deux belles citations.

« Je me considère comme féministe… Ce n’est pas le mot pour désigner une personne qui se bat pour les droits des femmes ? ». Dalai Lama

« J’ai toujours été convaincue qu’en éduquant une fille, vous donnez du pouvoir à toute une nation. » — Reine Rania de Jordanie, militante pour l’éducation des filles


Un best-seller que je recommande :

*Nous sommes tous des féministes, paru le 26 février 2015 de Chimamanda Ngozi Adichie 


Feux d’artillerie en début d’année, la Côte d’Ivoire doit rompre avec la violence !

Avec les feux d’artifice de l’an 2018, on souhaitait définitivement tourner la page des démons de l’instabilité politique. Mais hélas, de nouveaux événements nous interdissent de rêver plus longtemps.

Après les feux d’artifice, les feux d’artillerie

Depuis maintenant cinq ans, Abidjan, vitrine de la Côte d’Ivoire, est connue pour une chose : elle s’affiche chaque fin d’année comme une ville magique et féerique au travers d’un événement particulier : Abidjan, perle des lumières.

En effet, à cette occasion, les bâtiments publics et privés se parent de toutes sortes d’objets lumineux. Les grandes voies et les ruelles sont étincelantes et rivalisent de brillance. Même les citoyens participent à cette grande messe de la lumière, les tirs de feux d’artifice donnent le clou au spectacle.

Magnifique, splendide, époustouflant, abracadabrant, etc. les Ivoiriens ne tarissent pas d’éloges. Et, sous les feux d’artifice, de jeunes tourtereaux roucoulent à l’unisson. Quel spectacle extraordinaire !

Mais, comme le dit l’adage, « les bonnes choses ne durent jamais », et, malheureusement, dans le cas de la Côte d’Ivoire, c’est incontestable. En effet, depuis le quinquennat dernier, aux feux d’artifice succèdent presque toujours les feux d’artillerie.

Ainsi, pour apporter preuve à cette affirmation, il n’est pas besoin de trop loin voyager dans le temps. En 2017 donc, le mois de janvier a été celui de tous les dangers. Ultima Ratio, le blog du Centre des études de sécurité de l’Institut Français des Relations Internationales (Ifri) le relève bien.

« Dans la nuit du 5 au 6 janvier, des tirs ont été entendus à Bouaké : des soldats démobilisés et d’anciens rebelles réinsérés au sein de l’armée ivoirienne ont attaqué la Préfecture de Police et deux commissariats et pris position aux abords de la ville. »

Pour ce début 2018, c’est une situation similaire qui semble se profiler : « Côte d’Ivoire : nouveaux échanges de tirs dans des bases militaires à Bouaké » signale le Monde Afrique. « Côte d’Ivoire: à Bouaké, les dangereuses querelles interarmées » titre RFI Afrique.

Capture d’écran, tweets de Nicolas Pinault du 10 janvier 2018

L’échec des réformes du secteur de la sécurité (RSS) ?

Devant ces scènes de quasi-guerre, qui semblent aujourd’hui devenues ordinaires, on a envie de s’interroger : sachant le traumatisme permanent  des populations, on se demande bien à quoi servent les reformes du secteur de la sécurité. À rien, a-t-on envie de répondre.

On se rappelle qu’à l’époque de la mission de l’ONUCI, une division spéciale était affectée à la RSS. Le rôle de cette division était assez bien connu. Il s’agissait d’appuyer le Gouvernement ivoirien dans la mise en place d’une Stratégie Nationale de la RSS, axée sur six piliers.

Ainsi, avec l’appui de l’ONUCI et de la Force Licorne dans ce domaine, on croyait le problème résolu. Mais que d’illusions !

Capture d’écran du site RFI, réaction de l’ancien Général Français Bruno Clément-Bollée

Peut-être avions nous ignoré une notice telle que celle d’Aline Lebœuf.

« Toutefois, ce sont les Ivoiriens qui doivent eux-mêmes, aujourd’hui, proposer des réformes qui leur conviennent. Un expert étranger ne peut servir que de poil à gratter, de stimulant pour aider à mettre en mots des enjeux qui restent souvent tabous et non exprimés parce qu’ils sont jugés trop sensibles. ».

C’est pourquoi, aujourd’hui, il faut arrêter de se beurrer les yeux. Car, le sentiment de sécurité des populations ivoiriennes est à mille lieux de celui des New-yorkais et des Genevois. De ce fait, il faut donc prêter une attention particulière aux recommandations en vue de « mettre en place des relations civilo-militaires constructives et non crisogènes ».

À cet effet, il semble utile d’énumérer certaines pistes de solutions proposées par l’IFRI. Il s’agit dans un premier temps de construire une armée nation, de définir des missions et des engagements clairs pour les forces. Dans un second temps, il faut repenser la formation et la sélection des militaires. Et enfin, il faut aussi réaliser des investissements pour la formation et l’équipement de la gendarmerie et de la police.


Côte d’Ivoire : notaire, une profession encore hermétique

Le notariat, l’un des métiers du droit, demeure en Côte d’Ivoire l’un des plus hermétiques. Sous nos tropiques, pour revêtir la robe noire de notaire, il semble que la ménopause ou la calvitie proéminente fait partir des conditions.

Mais au fait, quel est le rôle du notaire ? Découvrez le dans cette vidéo…

Les conditions officielles pour être notaire

Pour prétendre au titre de notaire en Côte d’Ivoire, il faut tout d’abord avoir la qualité de clerc. En fait, le clerc est le collaborateur direct du notaire. Il est chargé par ce dernier du traitement des dossiers sous son contrôle. Ainsi, il acquiert par ce biais les rudiments du métier.

Mais derrière le charme de son appellation, la fonction de clerc de notaire cache une toute autre réalité. Son statut demeure vague. En effet, considéré comme un stagiaire dans la pratique, le clerc est soumis aux humeurs de son employeur – le notaire.

Même après 10 années d’expérience, le clerc peut ne recevoir qu’une simple indemnité de transport comme salaire. Passons sous silence la déclaration à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale et l’assurance-maladie. Elles sont quasi inexistantes.

Et pour aspirer à la fonction de notaire, le clerc doit accomplir au minimum quatre (04) années de stage dans une étude notariale. Cependant, il doit être titulaire de la Maîtrise en droit ou de tout diplôme équivalent. Aussi, depuis juillet 2017, ce dernier doit en plus satisfaire à un examen professionnel.

Loin d’être une formalité, cet examen professionnel semble nécessiter des aptitudes surnaturelles. Il suffit de regarder aux conditions d’examen et aux résultats d’admissibilité pour s’en convaincre.

Dans les faits, être notaire n’est pas si simple

Concernant cet examen professionnel, de nombreuses voix s’élèvent pour affirmer qu’il est déjà dévoyé. Car, dans sa mise en œuvre, des mains occultes paraissent travailler à restreindre l’accès à la profession.

En effet, selon certaines sources, pour l’année 2017, l’examen a connu de multiples difficultés. Tout d’abord, les cours de préparation à l’examen professionnel ont été dispensés de façon lapidaire. Pour preuve, initialement prévue pour deux (02) mois, la formation avant examen n’a duré que trois (03) semaines.

Ensuite, que dire des professionnels formateurs à ces cours ? Pour la plupart, ils ont brillé de par leurs absences répétées. Ceci, en dépit du coût exorbitant de la formation.

Enfin, l’une des matières à la composition d’admissibilité était totalement étrangère à l’ensemble des candidats. Ni leur formation universitaire, ni même le stage notarial ne leur a offert l’opportunité de côtoyer une telle discipline.

Ainsi, le résultat ne pouvait qu’être trop prévisible. Sur 122 candidats, seulement 06 ont été déclarés admissibles. Une situation déplorable et révoltante pour les candidats d’autant plus que l’examen est prévue se tenir tous les deux (02) ans.

Car, l’air de rien, aujourd’hui, les clercs ayant présenté l’examen professionnel totalisent entre quatre (04) et dix (10) années d’expérience. Et, la moyenne d’âge avoisinerait les 45 ans. Triste réalité africaine ! Ainsi donc, ce qui devrait constituer pour ceux-là un premier emploi va encore devoir attendre l’humeur de certains.

Ceci, en dépit du fait que les professionnels du notariat sont unanimes sur une chose. Le nombre actuel de 212 notaires est largement insuffisant pour toute la Côte d’Ivoire. Le besoin en notaires est donc réel. De ce fait, d’autres mesures doivent être prises.

La nomination de deux catégories de notaires, une solution

Dans un contexte où la tendance à l’international est à l’ouverture de la profession notariale, il faut s’inspirer des autres.

A cet effet, en France, la loi Macron a institué plusieurs réformes destinées à faciliter l’accès à la profession notariale. La Côte d’Ivoire pourrait s’en inspirer. Car, un projet de loi portant statut du Notariat est sur la table du Parlement pour adoption. La désignation de notaires titulaires de charges* et de notaires salariés* peut constituer une solution.

Cette dernière solution permettrait par exemple la nomination des 122 candidats à l’examen. Ceci d’autant plus que leur mérite a été reconnu par une attestation de premier clerc de notaire.

Aussi, cela permettrait de répondre d’une part au fort besoin en notaires de la Côte d’Ivoire. Et d’autre part, elle aiderait à une meilleure planification des examens futurs de premier clerc et de notaire.

Malgré toutes les apparences, cette solution n’est pas nouvelle encore moins destinée à faire la promotion de la médiocrité. Elle a récemment été adoptée au Maroc et les résultats sont élogieux.

Dans le Royaume Chérifien, il y a eu nomination massive à titre transitoire des candidats remplissant les conditions nécessaires à l’exercice de la profession notariale. Et ce, en attendant comme en Côte d’Ivoire, l’ouverture effective de l’institution de formation professionnelle prévue par la loi.

En définitive, pour permettre aux aspirants notaires de réaliser leur rêve, et enfin convenablement subvenir aux besoins des siens, le gouvernement ivoirien devrait se pencher sur ce cas. Car, vu les conditions de tenue de ce dernier examen professionnelle, une décision courageuse serait salutaire pour tous.

Et, voilà qui est clair ! Le notariat, un métier d’enfer… Mdr

Petit glossaire :

Notaire titulaire de charges* : J’entends le notaire officier ministériel, professionnel du droit et qui exerce ses fonctions, dans le cadre d’un office, sous le contrôle des magistrats du Parquet.

Notaire salarié* : J’entends le notaire lié à une Etude notariale par un contrat de travail.


Les codes derrières les vœux de nouvel an en Côte d’Ivoire

« Si l’on te ferme la porte, passe par la fenêtre » dit le proverbe. M’appuyant sur cet adage populaire, j’ai souhaité faire entorse à ma ligne éditoriale et m’incruster au #Mondochallenge, #Bonjour2018. En fait, j’ai été pris d’envie d’aborder le sujet des vœux de nouvel an. Pourquoi ? Parce qu’en Afrique, et particulièrement en Côte d’Ivoire, dire ses vœux permet de passer de biens jolis messages.

L’an 2017 s’en est allé sous nos yeux. Il a égrainé son chapelet de mauvaises et de bonnes nouvelles. Et nous voilà tout heureux de passer à une nouvelle année. Pour 2018 donc, on espère pour soi-même et pour les autres de très belles choses. On s’échange et on se dit de belles paroles. On se présente les vœux de nouvel an.

Mais, sous nos cieux, dire ses vœux a, selon son contexte, son code. Il faut donc absolument bien les comprendre pour ne pas être « Gaou », si vous visitez la Côte d’Ivoire. Je n’aborderai que trois des pratiques les plus répandues.

Premier code, « bonne année l’argent »

En Côte d’Ivoire, si en ce mois de janvier 2018 votre chemin rencontre une meute d’enfants sur leur 31, n’ayez aucune crainte. Ils cherchent juste à vous présenter leurs vœux de nouvel an.

Mais ne vous attendez surtout pas à des phrases bien construites. Ils vous diront une expression magique accompagnée de grands sourires sans non plus vous céder le passage. « Sambè-Sambè » ou « Bonne année l’argent », c’est tout ce que vous entendrez.

Par ces diverses expressions, ces enfants vous auront absolument tout souhaité comme vœu. Santé, prospérité, travail, avoir des enfants, etc. En fait, tout ce que vous désiriez entendre. En retour de leurs riches bénédictions d’enfants, vous devrez payer le prix fort.

Et oui, un peu comme pour les prières des pseudos « hommes de dieu », il va vous falloir sortir le portefeuille. Des pièces de monnaie ou de beaux billets de banque remis pour chaque enfant les feront disparaître sous vos yeux.

Mais ne vous y méprenez pas, cela n’arrive pas tous les jours. Comme pour la fête d’Halloween ailleurs, les premiers jours de l’an en Afrique sont également consacrés aux enfants. On témoigne ainsi que l’enfant appartient à toute la communauté, et que tous nous sommes leurs éducateurs.

A côté des vœux d’enfants ainsi formulés, les adultes ont une autre manière de souhaiter leurs vœux. Là aussi, il y a des codes à décrypter.

Second code, les innombrables et kilométriques SMS de vœux

Avant tout premiers contacts physiques de vos amis et connaissances, vous recevrez à coup sûr des SMS. En effet, depuis le passage à la nouvelle année, vous recevrez d’innombrables et volumineux messages de personnes qui vous tiennent en estime.

Dans ces SMS, à la différence du message concis des enfants, les adultes essayeront de tout vous souhaiter en une fois. Et votre téléphone ne cessera plus de crépiter toutes les 2 minutes minimum. Des passages presque entier de livres Saints ou des belles phrases copiées ici et là vous seront transférées.

Mais bien d’autres, par des messages personnalisés et presque toujours spirituels vous feront fondre le cœur.

« L’année nouvelle est là. Puisse Dieu nous accorder de nous attacher davantage à Lui et d’être plus attentifs à sa Voix. Qu’il t’ouvre les portes qui seront pour toi source de bénédiction. Qu’il te libère de toutes servitudes et te distingue. Sois et demeure lumière. Bonne et heureuse sainte année 2018.»

Aussi, si vous êtes une demoiselle, d’autres messages plus libérés vous obligeront à commencer l’année avec sourire.

« Qu’en cette année 2018 qui commence, ton Georges Weah s’élève. Que ton Mugabé tombe. Aussi, que ton Kim Jong-Un ait son Donald Trump. Que ton Macron soit en marche. Que tous tes soucis connaissent leur Libye. Sois sereine comme Gbagbo à la CPI. Bonne et heureuse année ! »

Ainsi, au travers de ces divers messages, l’ivoirien voudra vous témoigner son affection. Mais aussi, il sera très attentif à votre message ou appel en retour. Car les signes d’une amitié forte se conjuguent avec réciprocité et quasi instantanéité. Si vous avez l’occasion de passer des appels, mettez-y surtout des onomatopées d’émotion. On adore ça !

Troisième et dernier code, visites et bouffe à gogo

Ce troisième point est le plus important à mes yeux. Car, en Afrique, le contact physique joue un rôle central dans les relations humaines. Le jour de l’an est ainsi l’une de ses occasions privilégiées où il faut resserrer les liens sociaux.

A cet effet, ne soyez pas du tout surpris si tout votre voisinage frappe à tour de rôle à votre porte. S’il débarque chez vous sans vous avoir prévenu et vous faisait des accolades ou des bises.

C’est une tradition africaine. Les moments de fête sont faits pour désamorcer les tensions, se pardonner, faire plus ample connaissance et tracer les sillons pour demain.

Et aussi, en Afrique, dans ces moment-ci, on ne rend visite que précédé ou accompagné de bons plats. C’est l’occasion pour les femmes surtout, en plus de témoigner de la fraternité, de faire l’étalage de leurs compétences culinaires. Qui sait, peut-être arriveront-elles à ouvrir les yeux au voisin célibataire !?

Je vous propose de découvrir la recette et l’un de plats qui m’a été donné de déguster. Merci voisine !

Quoiqu’il en soit, visites et nourritures offertes sont aussi une autre manière d’adresser ses vœux. Et comme toujours, il ne faut surtout pas oublier la réciprocité. Il faut, quelques jours après, renvoyer l’ascenseur.

Enfin, une précision de taille est à relever. Lorsque l’on vous apporte de la nourriture, il ne faut surtout pas s’empresser de vide le contenu et renvoyer immédiatement les récipients. Il faut le faire un, deux ou trois jours après. C’est un signe que vous avez été satisfait du mets qui vous a été apporté.

Voilà donc quelques codes derrière les vœux de nouvel an en Côte d’Ivoire. Si vous lisez mon article, je vous dis « bonne année l’argent ». Et si vous êtes l’un de mes voisins, vous savez ce que vous avez à faire.

Je vous souhaite Jésus-Christ dans votre vie. Heureuse année 2018 !


Ecoutez le bon vieux tube « bonne année » de Lokassa, vous allez adorer !